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La réforme territoriale (1/2) - Vendredi 6 juin 2014
Peu de temps après les élections européennes, une actualité très « géographique » a fait la « Une » des journaux régionaux : la réforme territoriale. Pour faire simple, l'objectif de cette réforme est de « fusionner » certaines régions afin de réaliser des économies budgétaires et créer des régions plus « fortes ». Quoi qu'il en soit, le nouveau découpage régional issu de cette réforme a engendré de nombreux commentaires. Les médias ont particulièrement insisté sur les mécontentements nés de ce découpage : comme par exemple concernant le non rattachement des Pays de la Loire (et plus spécifiquement le département de la Loire-Atlantique) à la Bretagne. Les choix du gouvernement sont critiqués pour différentes raisons. Ainsi, les regroupements réalisés ne tiendraient pas compte de l'Histoire, des cultures locales et plus prosaïquement du fonctionnement des territoires.

Dans les faits, il apparait surtout que les fondements des choix effectués n'ont pas été clairement explicités. Ainsi, le découpage final est le fruit de multiples compromis dont il est difficile de dégager un fil conducteur. Ce découpage ne peut donc engendrer que de l'incompréhension. Il m'est donc venu à l'esprit de « repenser » cette réforme territoriale en m'appuyant sur des fondements clairement explicités. Les fondements choisis peuvent alors être critiqués (à raison d'ailleurs), mais les découpages obtenus auront le mérite d'être sans ambiguïté et les résultats obtenus « vérifiables ».

Premièrement, il m'est paru « pertinent » de regrouper des régions étroitement liées d'un point de vue socio-économique. En l'occurrence, en tant que simple citoyen, il me semblait pertinent de fonder ces regroupements sur les flux de mobilités domicile-travail. En effet, une telle politique de regroupement permettrait sans doute d'améliorer les politiques de transport et aurait un impact social important. D'ailleurs, j'avais été étonné par un commentaire (d'un élu ou d'un chef d'entreprise) critiquant le regroupement entre la Picardie et Champagne-Ardenne, car il se faisait au détriment des importantes relations existant entre la Picardie et le Nord-Pas-de-Calais, facilitées par la ligne TGV reliant Beauvais à Lille. J'avais envie de dire à cette personne de revoir sa « géographie » (et plus spécifiquement sa connaissance du territoire « picard ») afin de penser aux nombreux habitants de Creil, Chantilly, Senlis ou encore Compiègne qui chaque jour prennent le train pour rejoindre la gare de Paris-nord. Ces personnes doivent bien souvent jongler entre un forfait SNCF et un forfait RATP, car le fonctionnement du Navigo (rendant cette double gestion transparente pour les usagers franciliens) commence et s'arrête aux « portes » de l'Ile-de-France !

Ainsi, à partir du fichier INSEE téléchargeable ici , j'ai calculé les mobilités domicile-travail entre les régions françaises. J'ai ensuite classé ces flux par ordre décroissant afin de hiérarchiser les regroupements. Par exemple, les régions Provence-Alpes-Côte-D'azur et Languedoc-Roussillon possèdent les flux les plus importants et se voient donc rattachées. Puis, on passe au deuxième flux le plus important qui concerne l'Ile-de-France et la Picardie ! Et ainsi de suite. J'ai rajouté une contrainte limitant les regroupements à trois régions maximum afin de m'aligner sur les choix du gouvernement. Bien entendu, pour être rattachées, les régions doivent être voisines (contigües). L'objectif est au final d'effectuer huit regroupements pour aboutir à quatorze régions. Ces principes simples permettent d'obtenir la carte suivante :

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Réforme territoriale premier essai

Un seul rattachement correspond au choix du gouvernement : le regroupement Auvergne-Rhône-Alpes qui en a pourtant surpris plus d'un, mais qui peut se justifier sans problème par les flux domicile-travail. Cette carte confirme plutôt certaines incompréhensions : comme le non rattachement des Pays-de-la-Loire à la Bretagne et du Languedoc-Roussillon à PACA. En revanche, de nouvelles surprises émergent : l'Alsace et la Lorraine tout comme la Haute et la Basse Normandie ne sont pas rattachées.


Les fondements adoptés aboutissent à la création de très grosses régions, car ces fondements favorisent les regroupements de régions possédant un nombre important d'habitants. Ce qui n'est objectivement pas l'objectif du gouvernement, celui-ci cherchant plutôt à atténuer les fortes disparités existant entre les régions. Pour faire face à ce problème, j'ai donc repris les mêmes fondements en divisant simplement les valeurs des flux domicile-travail par le nombre d'habitants des régions concernées. J'ai alors obtenu la carte suivante :

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Réforme territoriale deuxième essai

Cette carte justifie certains choix du gouvernement, comme le regroupement Alsace-Lorraine et Rhône-Alpes-Auvergne (et oui encore !). Plus surprenant si l'on écoute les médias, on retrouve le rattachement de la Picardie et de la Champagne-Ardenne, un des rattachements les plus décriés. Ces deux régions ont le point commun d'être fortement attirées par la région Ile-de-France. De même, cette carte justifie que les Pays-de-la-Loire et la Bretagne ne soient pas rattachées. En effet, la région Pays-de-la-Loire est par essence une région « intermédiaire » entre la Bretagne, la Normandie, le Poitou-Charentes (voire une grande Aquitaine) et le Centre. Pour réellement justifier des regroupements dans cette partie du territoire français, il aurait fallu démembrer (découper) la région Pays-de-la-Loire. En revanche, on ne peut justifier par les flux domicile-travail le non regroupement entre Languedoc-Roussillon et PACA et l'incroyable région Centre-Poitou-Charente-Limousin. Enfin, des regroupements peu décriés pourraient l'être à la vue de cette carte : Haute et Basse Normandie (incroyable mais vrai !) et Bourgogne-Franche-Comté.


Quoi qu'il en soit, la région Ile-de-France est encore agrandie, traduisant ainsi sa forte attraction sur ces régions voisines. Pour minimiser les inégalités entre les régions (en matière de PIB par exemple), il faut donc adopter une toute approche. Dans les faits, il faut clairement adopter une démarche d'optimisation visant à réduire ces inégalités. Pour cela, je vais mettre au point une méthodologie reposant notamment sur un indicateur présenté en cours : l'indice de Gini. Affaire à suivre.

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